CARINE MARRET |
Théâtre |
(Ed. Balland, 30 janvier 2025) 458 pages Commander le livre |
Les
chrétiens d’Orient et la France,
mille
ans d’une passion tourmentée
CARINE MARRET Préface
de Jean-François Colosimo C’est
un roman vrai, sans doute l’une des sagas les plus étonnantes et
les plus tragiques de notre temps que Carine Marret retrace dans
ce livre, mêlant la chronique historique à l’essai, tout en
convoquant l’art et la littérature. L’auteur donne ainsi les
clefs pour déchiffrer les enjeux existentiels et géopolitiques
qui se jouent au Moyen-Orient, dont les conséquences se font
ressentir dans le monde entier et a fortiori en France, pays qui
a construit une longue histoire humaine et diplomatique avec les
chrétiens des origines. Une
lecture passionnante pour rappeler les faits, dissiper les idées
reçues et mieux comprendre les défis du monde d’aujourd’hui.
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"Les
chrétiens d’Orient et la France, mille
ans d’une passion tourmentée"
TABLES DES MATIÈRES |
Introduction TABLEAU I : LA GENÈSE I« DE TOUTES LES NATIONS FAITES DES DISCIPLES » IILA QUERELLE (BYZANTINE) DES IMAGES IIIVERS LE SCHISME DE 1054Filioque or not Filioque TABLEAU II : LA CHRONIQUE IVDU TOMBEAU DU CHRIST AUX ÉTATS LATINS VL’ADIEU AUX ÉTATS LATINS VILES GRANDES BATAILLESLa chute de Constantinople |
VIILES CAPITULATIONS VIIIBONAPARTE, LA TENTATION DE L’ORIENT IXLA GUERRE D’INDÉPENDANCE GRECQUE XDE LA TERRE SAINTE À LA GUERRE DE CRIMÉE XILE PAYS DU CÈDRE XIILES MASSACRES DU LIBAN ET DE DAMAS XIIIL’ARMÉNIE, PREMIER ROYAUME CHRÉTIEN |
XIVL’ARMÉNIE SOUS D’AUTRES CIEUX Le royaume d’Arménie en Cilicie Le rayonnement spirituel et intellectuel de l’Arménie cilicienne De Sis à Etchmiadzin en passant par Jérusalem Aux côtés des Latins à Venise et à Paris Les premiers frémissements du pire XVLE GÉNOCIDE DES ARMÉNIENS XVILE PEUPLE QUI PARLE LA LANGUE DU CHRIST XVIIDU ROYAUME DU PONT À SMYRNE XVIIILA FAMINE AU LIBAN XIXDES CAPITULATIONS À LA CAPITULATION XXCHYPRE |
XXILA GUERRE DU LIBAN XXIILIBAN : LA FRANCE PRISE AU PIÈGE XXIIIIRAK : À L’AUBE D’UN NOUVEAU SIÈCLE XXIVSYRIE : LE NAUFRAGE DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE XXVL’ABANDON DES CHRÉTIENS DE SYRIE XXVIIRAK : L’EXODE DES NAZARÉENS XXVIIL’ARTSAKH (HAUT-KARABAKH), TERRE ARMÉNIENNE Conclusion |
"Les chrétiens d’Orient et la France, mille ans d’une passion tourmentée", de Carine Marret PRÉFACE DE JEAN-FRANÇOIS COLOSIMO Longue est la tradition des écrivains-voyageurs de langue française qui, à la suite de Chateaubriand, Lamartine, Flaubert, ont traversé la Méditerranée pour se rendre aux sources du christianisme. Ils avaient été précédés sur cette voie ouverte par Joinville, Villehardouin et les autres mémorialistes des croisades. Ils ont mis leurs pas dans l’itinéraire balisé par les clercs, les pèlerins, les soldats, les savants, les diplomates qui, un jour, au nom du Royaume, de l’Empire ou de la République, sont partis vers l’Orient pour arpenter le Levant, le Caucase, les Balkans. Ils y ont quêté à leur tour le sens à la fois des racines religieuses et des ramifications politiques de ce que l’on nomme, faute d’un meilleur terme, l’« Occident ». Ils en ont ramené, à l’instar de leurs devanciers, un éblouissement mystique à la croisée du cultuel et du culturel. Ils en ont tiré des livres que nous feuilletons aujourd’hui comme autant d’archives d’un monde qui nous semble désespérément promis à l’engloutissement. C’est l’extraordinaire chronique de cet univers, partagé entre la gloire et la croix, que Carine Marret, dans leur sillage, s’attache ici à ranimer, n’entendant pas renoncer à sa survie devant l’apparente fatalité. Rien, à l’exception d’une trace généalogique sur sa propre trace, ne la prédestinait à une telle tâche. Tout, dans ses œuvres antérieures, l’y avait préparée. Romancière, elle a exploré la part invisible de l’histoire et abyssale de l’humanité face au mystère rémanent du mal jusqu’au cœur de la modernité. Essayiste, elle a déchiffré le périple supposé du Saint Suaire de Jérusalem à Turin à travers l’imaginaire du Moyen Âge. Dramaturge, elle a emprunté à la trame théâtrale des Évangiles pour retranscrire le tournant irrémédiable que les disciples de Jésus ont imposé à l’Antiquité païenne. Linguiste, elle a plongé dans les « jardins idiomatiques de Babel » pour y discerner la Pentecôte de la traduction qu’appelaient, dès leur début, les parlers et les alphabets natifs de l’âge de Bronze. Chacune de ses qualités littéraires se retrouve dans la présente fresque dont elle a jugé qu’il fallait l’ériger à la manière d’un monument afin de contrer la tentation de l’oubli. Son sujet même, les peuples, les langues, les crédos, les rites, que l’on recoupe par facilité sous le vocable de « chrétiens d’Orient », offre une telle bigarrure qu’il réclame un long tissage des fils ou un patient assemblage des tessons chez qui s’essaie à en restituer la tapisserie ou la mosaïque à laquelle ne saurait manquer le plus petit détail à moins de rater l’ensemble. De cette astreinte qui s’apparente à une ascèse, Carine Marret a fait l’axe de son investigation. Comme si elle recourait à la navette ou à la marteline, elle passe et repasse sur l’une puis l’autre de ces communautés ecclésiales pour en ressaisir l’unité sans déroger à leur diversité. Écrivain est un mot qui, en bon français, ne suppose pas de féminin. Il serait faux de penser, cependant, que les femmes qui écrivent ne contribuent pas autrement que les hommes à la bibliothèque universelle. Carine Marret est la première d’entre elles, à notre connaissance, qui ose brosser un tel tableau des chrétientés orientales. On ne la prendra pas en défaut des repères historiographiques qui sont indispensables à la bonne compréhension de leur trajectoire. Les grands nœuds théologiques sont également au rendez-vous, l’explicitation de ces querelles improprement qualifiées de « byzantines » étant déterminante par-delà les conditions sociologiques ou les circonstances géopolitiques. De même que les mises en situation contemporaines, aiguës, précises, informées, qui permettent de ressaisir l’amplitude d’un drame d’ordre civilisationnel et à l’impact planétaire. S’y ajoutent, qui font la singularité de ce livre, les dégagements sur la légende et l’hagiographie, l’architecture et la picturalité, le personnage et le portrait mais aussi la spiritualité et le martyre, la liturgie et la tuerie. Cette alternance entre les récits de mythification et les rapports d’oppression exemplifie la temporalité propre à l’Orient chrétien qui, suspendue à l’éternité, se déroule en cycles, se répétant incessamment afin de conjurer le spectre de l’irrémédiable. L’acquis savant de l’ouvrage n’en reste pas moins, une fois le grand tableau brossé, la concentration sur la relation de la France aux chrétiens de l’Empire ottoman, sa prétention à s’en instituer la protectrice et sa rivalité subséquente avec Moscou sur ce titre. Retenir ce prisme national incline Carine Marret à traiter prioritairement les branches unies à la papauté, dont en premier lieu les maronites du Liban. Ce qui lui permet de dresser un rare inventaire de la production partisane, de type apologétique et diplomatique, qui a prévalu à Rome puis à Paris sur la période courant des Temps modernes à l’Entre-Deux-Guerres. Mais aussi d’en montrer la complexité. D’une part, en mettant au jour la part de calcul inhérente à cette logique d’emprise ou d’empire qui relève souvent de l’instrumentalisation. D’autre part, en montrant à l’inverse la sincérité de certaines mobilisations intellectuelles et populaires comme celle en défense des Arméniens d’Asie mineure qui aura été persistante et grandissante des massacres de 1895 au génocide de 1915. Enfin, en n’omettant pas d’inclure et de détailler la différence de construction et de perception qui caractérise les branches orthodoxes qui, majoritaires, auront été trop longtemps méconnues, voire méprisées. L’écart entre hier et aujourd’hui n’en est que plus accablant. Si le dialogue œcuménique s’est heureusement substitué à l’affrontement polémique entre les Églises, le souci des chancelleries et la conscience des opinions se sont évanouis. C’est bien ce que constate lucidement et regrette amèrement Carine Marret. Son livre pour autant ne constitue pas un réquisitoire idéologique mais une plaidoirie sensible. À l’heure où prédomine avec raison l’inquiétude quant au devenir environnemental de notre Terre, il est temps de nous préoccuper également d’une écologie des cultures. Passeurs des premières civilisations de l’écriture, assesseurs de la formation de la Torah, acteurs de la propagation de l’Évangile, attestateurs de l’apparition du Coran, les chrétiens d’Orient constituent une part insécable dans la biodiversité de l’humanité historique. Leur cause n’est pas particulariste parce que leur disparition signerait une catastrophe universelle. C’est pourquoi il faut lire le cri d’amour de Carine Marret qui est aussi un cri d’alerte. Jean-François Colosimo |
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