CARINE MARRET


 Carine Marret Les chrétiens d'Orient et la France mille ans d'une passion tourmentée Jérusalem Terre sainte Liban Syrie Irak Arménie

(Ed. Balland, 30 janvier 2025)
458 pages

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Les chrétiens d’Orient et la France,
mille ans d’une passion tourmentée

CARINE MARRET

Préface de Jean-François Colosimo

Le christianisme va-t-il mourir là même où il est né ? La France, pourtant protectrice des chrétiens d’Orient depuis un millénaire, les aurait-elle abandonnés ? Le sort des bâtisseurs de la civilisation dont nous sommes les héritiers représente un enjeu vital, une pièce du puzzle tout à fait déterminante pour la stabilité de la région et pour l’équilibre mondial.

C’est un roman vrai, sans doute l’une des sagas les plus étonnantes et les plus tragiques de notre temps que Carine Marret retrace dans ce livre, mêlant la chronique historique à l’essai, tout en convoquant l’art et la littérature. L’auteur donne ainsi les clefs pour déchiffrer les enjeux existentiels et géopolitiques qui se jouent au Moyen-Orient, dont les conséquences se font ressentir dans le monde entier et a fortiori en France, pays qui a construit une longue histoire humaine et diplomatique avec les chrétiens des origines.

Une lecture passionnante pour rappeler les faits, dissiper les idées reçues et mieux comprendre les défis du monde d’aujourd’hui.

"Les chrétiens d’Orient et la France, mille ans d’une passion tourmentée"
TABLES DES MATIÈRES

Introduction

TABLEAU I : LA GENÈSE

I« DE TOUTES LES NATIONS FAITES DES DISCIPLES »
À Jérusalem et jusqu’aux extrémités de la terre
Le règne fondateur de l’empereur Constantin
L’avènement de l’Empire romain d’Orient
Les dhimmî

IILA QUERELLE (BYZANTINE) DES IMAGES
L’émergence de l’art chrétien
La première crise iconoclaste
Nicée II, année 787
La seconde période iconoclaste
Le Triomphe de l’Orthodoxie

IIIVERS LE SCHISME DE 1054Filioque or not Filioque
Photius, le démonisé
Le point de rupture 

TABLEAU II : LA CHRONIQUE

IVDU TOMBEAU DU CHRIST AUX ÉTATS LATINS
Une main tendue vers l’Orient
Délivrer le tombeau du Christ
Les possessions latines en danger
Le sac de Constantinople

VL’ADIEU AUX ÉTATS LATINS
« Montjoie Saint-Denis ! » 
La revanche d’un ancien esclave
La fin d’un monde
La (fragile) réconciliation entre Rome et Byzance

VILES GRANDES BATAILLESLa chute de Constantinople
L’abandon de Rhodes
Le siège de Malte
La perte de Chypre
La bataille de Lépante

VIILES CAPITULATIONS
François Ier, le diplomate
L’éminence grise de Richelieu
Le roi de France en recours
Des ambassadeurs au service de l’influence

VIIIBONAPARTE, LA TENTATION DE L’ORIENT
À la conquête de l’Égypte
« Quarante siècles vous contemplent. »
Les coptes
L’enlisement de la campagne
Le grand retour

IXLA GUERRE D’INDÉPENDANCE GRECQUE
Les îles Ioniennes
1821, le printemps de l’indépendance
La résistance relayée par la France
L’expédition de Morée

XDE LA TERRE SAINTE À LA GUERRE DE CRIMÉE
La bataille des Lieux saints
Le statu quo
Vers la guerre de Crimée

XILE PAYS DU CÈDRE
Saint Maron
Savant comme un maronite
Par la volonté du roi Louis XIV
Du Collège maronite de Rome au patriarcat
Les émirs maronites du Mont-Liban

XIILES MASSACRES DU LIBAN ET DE DAMAS
Le Liban meurtri
Les massacres de Damas
L’opinion française se mobilise
La tiédeur de la justice ottomane
L’intervention de Napoléon III

XIIIL’ARMÉNIE, PREMIER ROYAUME CHRÉTIEN
Grégoire l’Illuminateur
Tigrane II le Grand
La naissance de l’alphabet arménien
Grégoire de Narek, moine et poète
La Cilicie au temps des croisades

XIVL’ARMÉNIE SOUS D’AUTRES CIEUX
Le royaume d’Arménie en Cilicie
Le rayonnement spirituel et intellectuel de l’Arménie cilicienne
De Sis à Etchmiadzin en passant par Jérusalem
Aux côtés des Latins à Venise et à Paris
Les premiers frémissements du pire

XVLE GÉNOCIDE DES ARMÉNIENS
Les massacres hamidiens
Les protestations de la France
À l’aube de la guerre
1915
À l’issue de la guerre

XVILE PEUPLE QUI PARLE LA LANGUE DU CHRIST
Les assyro-chaldéens
Les syriaques
Le Seyfo
Le génocide reconnu par la France

XVIIDU ROYAUME DU PONT À SMYRNE
Les riverains du Pont-Euxin
L’Empire de Trébizonde
Les massacres de Phocée
Le génocide des Grecs pontiques
Smyrne
L’impossible retour

XVIIILA FAMINE AU LIBAN
Kafno
L’aide de la France

XIXDES CAPITULATIONS À LA CAPITULATION
De Sykes-Picot à Sèvres
L’abandon de la Cilicie
Le traité de Lausanne
Les massacres de Simelé
L’épuration ethnique des derniers Grecs de Turquie

XXCHYPRE
La mer, l’esprit, puis le ciel
Le royaume latin de Chypre
Vers l’indépendance
L’invasion turque
Le pillage du patrimoine

XXILA GUERRE DU LIBAN
La Suisse du Moyen-Orient
Le Liban à feu et à sang
Les ingérences étrangères
Les maronites livrés à eux-mêmes

XXIILIBAN : LA FRANCE PRISE AU PIÈGE
L’attentat contre le Drakkar
« Les otages français au Liban n’ont toujours pas été libérés. »
Le dénouement de la guerre du Liban

XXIIIIRAK : À L’AUBE D’UN NOUVEAU SIÈCLE
L’Irak de Saddam Hussein
« Operation Iraqi Freedom »
De la dictature aux attentats
Les chrétiens d’Irak pris pour cibles
L’espérance en la France

XXIVSYRIE : LE NAUFRAGE DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE
De l’indépendance à la guerre
La France face à la crise syrienne

XXVL’ABANDON DES CHRÉTIENS DE SYRIE
Maaloula
Le sort des chrétiens de Syrie
La diplomatie française controversée

XXVIIRAK : L’EXODE DES NAZARÉENS
Mossoul, siège du califat autoproclamé
Qaraqosh, la chrétienne
L’exil
Le patrimoine en péril
Reconstruire sur des ruines

XXVIIL’ARTSAKH (HAUT-KARABAKH), TERRE ARMÉNIENNE
L’Artsakh, berceau historique de l’Arménie
La guerre des 44 jours
Les Arméniens chassés de leur terre
Quel avenir pour l’Arménie ?

Conclusion
2025, 1 700e anniversaire du premier concile œcuménique de Nicée


"Les chrétiens d’Orient et la France, mille ans d’une passion tourmentée", de Carine Marret

PRÉFACE DE JEAN-FRANÇOIS COLOSIMO

Longue est la tradition des écrivains-voyageurs de langue française qui, à la suite de Chateaubriand, Lamartine, Flaubert, ont traversé la Méditerranée pour se rendre aux sources du christianisme. Ils avaient été précédés sur cette voie ouverte par Joinville, Villehardouin et les autres mémorialistes des croisades. Ils ont mis leurs pas dans l’itinéraire balisé par les clercs, les pèlerins, les soldats, les savants, les diplomates qui, un jour, au nom du Royaume, de l’Empire ou de la République, sont partis vers l’Orient pour arpenter le Levant, le Caucase, les Balkans. Ils y ont quêté à leur tour le sens à la fois des racines religieuses et des ramifications politiques de ce que l’on nomme, faute d’un meilleur terme, l’« Occident ». Ils en ont ramené, à l’instar de leurs devanciers, un éblouissement mystique à la croisée du cultuel et du culturel. Ils en ont tiré des livres que nous feuilletons aujourd’hui comme autant d’archives d’un monde qui nous semble désespérément promis à l’engloutissement.

C’est l’extraordinaire chronique de cet univers, partagé entre la gloire et la croix, que Carine Marret, dans leur sillage, s’attache ici à ranimer, n’entendant pas renoncer à sa survie devant l’apparente fatalité. Rien, à l’exception d’une trace généalogique sur sa propre trace, ne la prédestinait à une telle tâche. Tout, dans ses œuvres antérieures, l’y avait préparée. Romancière, elle a exploré la part invisible de l’histoire et abyssale de l’humanité face au mystère rémanent du mal jusqu’au cœur de la modernité. Essayiste, elle a déchiffré le périple supposé du Saint Suaire de Jérusalem à Turin à travers l’imaginaire du Moyen Âge. Dramaturge, elle a emprunté à la trame théâtrale des Évangiles pour retranscrire le tournant irrémédiable que les disciples de Jésus ont imposé à l’Antiquité païenne. Linguiste, elle a plongé dans les « jardins idiomatiques de Babel » pour y discerner la Pentecôte de la traduction qu’appelaient, dès leur début, les parlers et les alphabets natifs de l’âge de Bronze.

Chacune de ses qualités littéraires se retrouve dans la présente fresque dont elle a jugé qu’il fallait l’ériger à la manière d’un monument afin de contrer la tentation de l’oubli. Son sujet même, les peuples, les langues, les crédos, les rites, que l’on recoupe par facilité sous le vocable de « chrétiens d’Orient », offre une telle bigarrure qu’il réclame un long tissage des fils ou un patient assemblage des tessons chez qui s’essaie à en restituer la tapisserie ou la mosaïque à laquelle ne saurait manquer le plus petit détail à moins de rater l’ensemble. De cette astreinte qui s’apparente à une ascèse, Carine Marret a fait l’axe de son investigation.  Comme si elle recourait à la navette ou à la marteline, elle passe et repasse sur l’une puis l’autre de ces communautés ecclésiales pour en ressaisir l’unité sans déroger à leur diversité.

Écrivain est un mot qui, en bon français, ne suppose pas de féminin. Il serait faux de penser, cependant, que les femmes qui écrivent ne contribuent pas autrement que les hommes à la bibliothèque universelle. Carine Marret est la première d’entre elles, à notre connaissance, qui ose brosser un tel tableau des chrétientés orientales. On ne la prendra pas en défaut des repères historiographiques qui sont indispensables à la bonne compréhension de leur trajectoire. Les grands nœuds théologiques sont également au rendez-vous, l’explicitation de ces querelles improprement qualifiées de « byzantines » étant déterminante par-delà les conditions sociologiques ou les circonstances géopolitiques. De même que les mises en situation contemporaines, aiguës, précises, informées, qui permettent de ressaisir l’amplitude d’un drame d’ordre civilisationnel et à l’impact planétaire. S’y ajoutent, qui font la singularité de ce livre, les dégagements sur la légende et l’hagiographie, l’architecture et la picturalité, le personnage et le portrait mais aussi la spiritualité et le martyre, la liturgie et la tuerie. Cette alternance entre les récits de mythification et les rapports d’oppression exemplifie la temporalité propre à l’Orient chrétien qui, suspendue à l’éternité, se déroule en cycles, se répétant incessamment afin de conjurer le spectre de l’irrémédiable.

L’acquis savant de l’ouvrage n’en reste pas moins, une fois le grand tableau brossé, la concentration sur la relation de la France aux chrétiens de l’Empire ottoman, sa prétention à s’en instituer la protectrice et sa rivalité subséquente avec Moscou sur ce titre. Retenir ce prisme national incline Carine Marret à traiter prioritairement les branches unies à la papauté, dont en premier lieu les maronites du Liban. Ce qui lui permet de dresser un rare inventaire de la production partisane, de type apologétique et diplomatique, qui a prévalu à Rome puis à Paris sur la période courant des Temps modernes à l’Entre-Deux-Guerres. Mais aussi d’en montrer la complexité. D’une part, en mettant au jour la part de calcul inhérente à cette logique d’emprise ou d’empire qui relève souvent de l’instrumentalisation. D’autre part, en montrant à l’inverse la sincérité de certaines mobilisations intellectuelles et populaires comme celle en défense des Arméniens d’Asie mineure qui aura été persistante et grandissante des massacres de 1895 au génocide de 1915. Enfin, en n’omettant pas d’inclure et de détailler la différence de construction et de perception qui caractérise les branches orthodoxes qui, majoritaires, auront été trop longtemps méconnues, voire méprisées. L’écart entre hier et aujourd’hui n’en est que plus accablant. Si le dialogue œcuménique s’est heureusement substitué à l’affrontement polémique entre les Églises, le souci des chancelleries et la conscience des opinions se sont évanouis. 

C’est bien ce que constate lucidement et regrette amèrement Carine Marret. Son livre pour autant ne constitue pas un réquisitoire idéologique mais une plaidoirie sensible. À l’heure où prédomine avec raison l’inquiétude quant au devenir environnemental de notre Terre, il est temps de nous préoccuper également d’une écologie des cultures. Passeurs des premières civilisations de l’écriture, assesseurs de la formation de la Torah, acteurs de la propagation de l’Évangile, attestateurs de l’apparition du Coran, les chrétiens d’Orient constituent une part insécable dans la biodiversité de l’humanité historique. Leur cause n’est pas particulariste parce que leur disparition signerait une catastrophe universelle. C’est pourquoi il faut lire le cri d’amour de Carine Marret qui est aussi un cri d’alerte.

Jean-François Colosimo


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